Contrat de travail et compétence du tribunal saisi

Une salariée se voit offrir un poste en librairie. Elle y travaille à concurrence de huit heures par jour pendant deux mois. Malgré plusieurs relances de sa part l’employeur ne lui remet jamais de contrat de travail en bonne et due forme. A la fin des deux mois l’employeur lui demande de ne plus revenir.

La partie ainsi licenciée oralement introduit une requête en matière de droit du travail devant le Tribunal du travail territorialement compétent. Lors des plaidoiries la partie adverse lui oppose l’incompétence du tribunal saisi puisqu’elle n’aurait pas prouvé avoir été liée par un contrat de travail.

Le contrat de travail est la convention par laquelle une personne, dénommée salarié, s’engage à accomplir une prestation de travail pour le compte et sous l’autorité d’une autre, dénommée l’employeur, qui lui verse, en contrepartie, une rémunération (Cassation 47/08, arrêt du 30.10.2008).

Le Tribunal du travail saisi avait décidé dans son jugement que la partie demanderesse n’aurait pas rapporté la preuve qu’elle était placée en situation réelle d’emploi et qu’elle ait presté un travail productif et subordonné dépassant la cadre d’un simple essai professionnel en arguant notamment que ni l’horaire de travail ni les tâches exactes lui confiées ni le salaire convenu entre parties étaient connus.

Il s’avérait néanmoins que la requérante disposait d’un document signé par l’employeur retraçant le nombre d’heures prestées et le montant total redu. S’il est certes vrai qu’il appartenait à la salariée de prouver les éléments essentiels d’un contrat de travail, il n’en reste pas moins que cette preuve reste libre et qu’elle pourra être rapportée par tous moyens et même par de simples indices. Comment prouver en effet des horaires réguliers et le montant exact du salaire convenu si l’employeur refuse de remettre un contrat de travail en bonne et due forme et de délivrer des fiches de salaire ? Cette preuve étant difficilement rapportable au vu notamment de la situation d’insubordination, à la supposer établie, il aurait appartenu aux juges de première instance de ne pas interpréter les règles de preuve de manière restrictive mais de tenir compte du contexte générale pour constater l’existence d’un contrat de travail oral.

La Cour d’Appel a finalement  réformé le jugement de première instance et s’est déclarée compétente pour connaître du litige en arguant notamment que «  dès lors que l’appelante verse des décomptes relatifs aux deux mois travaillés desquels il ressort qu’elle a travaillé de manière régulière et continue durant 45 heures et 81 heures, décomptes non seulement acceptés par la société mais encore réglés, selon ses propres affirmations, à raison de huit euros l’heure, l’appelante a établi avoir durant lesdites périodes, selon un horaire régulier et continu, exercé des fonctions au sein de l’entreprise, sous l’autorité de l’employeur ou de son délégué….. ».

Par ailleurs en l’absence d’un contrat de travail signé avant le début des relations de travail, un salarié est réputé engagé dès le début sous contrat à durée indéterminée et sans période d’essai.


 

Me Luc MAJERUS

Avocat à la Cour